En Amazonie, infiltré dans le « meilleur des mondes », Jean-Baptiste MALET

« En choisissant d’acheter ses livres chez Amazon, le lecteur fait le choix, conscient ou inconscient, de tirer un trait sur le rôle précieux que joue la librairie (indépendante) comme lieu de convivialité, de partage, de découverte, de mixité et de rencontre. Mais aussi sur les emplois de libraires qualifiés que généré cette activité commerciale de proximité. »

Un livre qui créé bien des débats, un journaliste qui ne va pas assez loin pour certains, trop pour d’autres. Un sujet très actuel qui fâche beaucoup, des thèmes récurrents et dévastateurs. C’est ce qui est ici proposé.

Une immersion totale dans le monde de l’usine et de l’Amérique. Après Florence AUBENAS, Jean-Baptise MALET va aussi faire parler de lui. Il n’y a pas de raisons.

amazonie

Vous l’aurez compris, Jean-Baptise MALET et les éditions Fayard ont frappé un gros coup !

L’auteur journaliste a réussi à s’infiltrer dans les locaux d’Amazon à Montélimar (26) en tant qu’intérimaire et ne se prive pas de nous raconter les dessous du « have fun », et ce malgré l’épée de Damoclès qui lui pend sur la tête.

Tout le monde connait Amazon comme site numéro un des ventes en ligne. Amazon, cette entreprise bien américaine qui a fait ses preuves dans différents pays. Qui a fait disparaître la culture ouverte, large et pleine de bon sens dans certaines régions. Qui lobotomise un esprit en lui proposant des ventes en masse.

Et bien oubliez tout. Et apprêtez-vous à avoir bien plus peur encore.

Amazon a une devise. Et pas des moindres. « WORK HARD, HAVE FUN, MAKE HISTORY ». C’est avec ces trois vers très poétiques que l’auteur journaliste va monter son récit.

Work hard

Il commence, comme le veut la devise, par le dur travail réalisé par les employés. Avec des locaux atteignant facilement 40 000 m², certains employés font plus de vingt kilomètres à pieds (en courant, donc) en sept heures de travail (et 20 minutes de pause); ce sont les pickeurs.

Pendant ce temps, les autres réceptionnent les articles et les emballent dans des cartons afin de les expédiés. Le rendement se doit d’être large et respecté. On les appelles les packeurs.

Les deux groupes ont pour devoir de se surpasser tout le temps. On n’atteint jamais ses limites. On peut toujours aller plus loin. Même si on doit souffrir pour cela.

Les pickeurs ont pour objectif en arrivant dans l’entreprise de récupérer entre 50 et 60 articles en une heures dans la superficie complète de l’entrepôt.  Inutile de dire que la maniaquerie n’est pas au rendez-vous. Amazon est américain même en France. C’est pourquoi le système américain est mis en oeuvre, à savoir : on range là ou il y a de la place. Et c’est pas grave si la pléiade de Verlaine se retrouve à côté d’une boite de slip.

Avec des petites machines électroniques qui permettent de zipper les codes barres, les employés se promènent et reçoivent dans le plus grand silence leurs ordres. C’est donc plus un grand parcours de santé embûché de manager et de leaders qu’une petite promenade du dimanche. Ces machines ne servent pas qu’a reconnaître les articles, mais aussi à fliquer les employés. Grâce à celle-ci les hauts placés savent où l’employé se trouve, quel article il cherche, ce qu’il fait et le temps d’arrêt effectué. Quand c’est trop long, le pickeur reçoit un petit rappel écrit sur sa machine.

Alors, toujours pas convaincu par le boulot à fournir ? Et bien regardez un peu ce qu’on retrouve dans certaines archives américaines : « Pendant les vagues de chaleur de l’été, Amazon s’arrange pour avoir des ambulanciers garés à proximité, prêt à prendre en charge un employé déshydraté ou souffrant de la chaleur ».

On pousse les employés au bout de leurs limites. Des gréves sont obligatoires afin d’avoir ne serait-ce qu’un peu de chauffage l’hiver. Et ils sont obligés de rester. On leur fait miroité des CDI, des promesses d’embauches, un avenir tout tracé avec possibilité d’achat de maison et crédits sur 20 ans. On donne la carotte à notre petit ouvrier qui se prend au jeu et se fait plaisir à rêvé. Puis y a pas à dire, Amazon, même si c’est complètement dégueulasse comme usine et comme boulot, c’est plutôt fun. Et nous voilà rendu au second point.

Have fun

Le have fun, chez Amazon, c’est une institution. C’est proposer à l’employé des petits déjeuners, des chasses aux œufs sur le parking le jour de Pâques avant de prendre son poste, ou même des boissons chaudes gratuites à la sortie du boulot.

C’est concurrencer directement le comité d’entreprise pour montrer que votre patron est bien plus génial que votre collègue qu’on vous oblige à tutoyer pour créé des liens agréables et se sentir à son aise.

C’est finalement le vice poussé à son extrême. C’est proposer à son employé la douceur de celui qui ne réfléchis plus et est prêt à trouver du bonheur dans une chasse à l’œuf.

Amazon c’est trois équipes par jours qui se relaient, en comptant l’équipe de nuit. L’équipe de nuit travail de 21h30 à 4h50 le matin. L’employé se lève bien souvent vers 16h après une pareille nuit. Il faut qu’il soit prêt à reprendre son poste à 21h30 et n’a donc aucune envie de réflexion.  Amazon lobotomise finalement ses employés avec une certaines douceur et une certaine courtoisie, mais pas seulement ! Aussi par des petits cadeaux à gagner après des quizz divertissants. Selon l’auteur les cadeaux ne sont pas seulement des présents mais aussi et surtout une simplicité d’esprit. On leur offre des films qui ne font pas réfléchir  ils ne voient que les block buster, ils ne travaillent que pour gagner une place convenable dans la société.

Quand on lit ce livre, on a l’impression de vivre dans un monde complètement irréel où tout le monde est sous prozac pour tenir moralement et sous cocaïne pour tenir physiquement. Et autant vous dire que le mélange n’est pas des meilleurs.

Alors, le have fun vous enchante ? C’est que vous n’avez pas encore goûté à l’avenir.

Make history

Faire l’histoire. C’est si simple. Et pourtant si compliqué. On a le droit dans cette grande firme de faire l’histoire mais l’interdiction absolue d’en parler. Pas même à sa famille. Encore moins aux journalistes.

L’histoire c’est les attachés de presse qui l’écrivent. Et ce avec l’accord du grand patron s’il daigne vouloir le donner. Tout est contrôlé, jusqu’à ce que vous direz à votre famille. Et s’il y a une bavure, vous vous risquez à une plainte contre vous avec licenciement à la clé. Alors, qui voudrait s’y risquer ?

Pour conclure, je dirai qu’Amazon est vraiment comparé à un lieu sectaire et militarisé dans lequel on va pour pouvoir manger à la fin du mois. Tout le monde sait que c’est un boulot pourri. Mais personne n’a le droit de se plaindre. Sinon il va falloir retourner chercher du travail, et inutile de dire qu’aujourd’hui c’est pas simple.

Amazon a su surfé sur la vague du chômage en proposant énormément d’emplois. Mais des emplois factices. Ils emploient sur deux structures seulement 1 100 personnes en CDI à temps complet contre 250 000 et quelques intérimaires. La librairie indépendante continue d’embaucher et est aujourd’hui à plus de 10 000 emplois en CDI en France.

Amazon vend de l’illusion à ses employés, à ses clients et à un avenir qu’ils voudraient à leur image : réglé comme une marche militaire.

Maintenant vous avez les cartes entre les mains. A vous de choisir entre une vie simple dans un village ou une ville qui propose un commerce de proximité où une commande sur internet qui coupe à la fois du lien social et du lien direct avec sa ville et la diversité culturelle.

Amazon mérite t’il réellement l’argent que vous vous cassez le cul à gagner tous les jours ? Ce n’est pas parce que certains politique « comme Arnaud de Montebourg » (dont on parle beaucoup dans le livre) en font l’apologie que c’est bien. Le système capitaliste américain (et pas seulement) a pour seul but de faire du profit en prenant non pas une partie, mais tout votre argent. Vous n’avez pas de conseil et aucune ligne directrice. Vous vous retrouvez seul face à votre écran, froid et inanimé. Vous vous coupez de tout lien social dans le seul but d’être rentable à une entreprise et à des politiques. Et vous vous laissez faire.

Dernière petite anecdote…

« Le camp de Dachau est l’un des quatre-vingts camps construits par le régime hitlérien après l’incendie du Reichstag en 1933. Opposants politiques, Juifs, Roms, homosexuels, handicapés, prisonnier de guerre… Plus de 200 000 personnes y ont été emprisonnées et 43 000 y sont mortes. Amazon a eu le bon goût de commercialiser un puzzle de 252 pièces qui le figure. Ce produit, qui était référencé comme un « jouet à partir de 8 ans » et vendu 24.99 dollars, a défrayé la chronique en Allemagne et fait l’objet de nombreux articles de presse ».

Ça fait réfléchir…

Certes, le monde du travail n’est pas le pays des bisounours. Certes, d’autres enseignes telle qu’Amazon propose la même difficulté de travail… Mais le problème amazonien est bien au-delà. Le problème amazonien est la création d’une communauté avec des croyances, des illusions, semblable à une secte militarisée. Amazon créé une idéologie envers employés et clients.

Ouvrage disponible aux éditions Fayard et dans toutes les librairies depuis Mai 2013.

 

Quand le livre n’est plus qu’un produit.

 

amazon

À propos de Antoine

Libraire dans l’Isère. Voir tous les articles par Antoine

2 responses to “En Amazonie, infiltré dans le « meilleur des mondes », Jean-Baptiste MALET

Laisser un commentaire